Temps et rythme

On entend souvent dire, à propos de certains élèves, qu’ils ont des problèmes de rythme. Je crois cette affirmation fallacieuse, ou plus exactement mal formulée, car elle ne tient pas compte de la distinction entre activités (figures rythmiques) et temps (la globalité de l’espace temps, c’est à dire la considération de son point de départ et de son point d’arrivée). J’estime que ce qui est intitulé « problèmes de rythme » devrait être nommé « problèmes de temps ».

Le temps est une notion très subjective dans la vie ordinaire, variable selon les états psychologiques (fatigue, pleine forme, etc.) et on relègue aux horloges et calendriers le soin de le mesurer.

La musique, art du son lié au temps, oblige à une perception quasi objective de cet élément. Cette mesure du temps doit être obtenue par une conscience du temps sans apport extérieur et nous avons pour cela notre propre « horloge », conduite par les battements du cœur. Cette pulsation personnelle doit être la base de toute l’éducation rythmique, le métronome sera donc banni de cet ouvrage d’initiation.

Comment procéder ?

Demander à l’élève de prendre un battement régulier avec son bras gauche : lui montrer, mais en insistant sur le fait qu’il doit trouver sa propre « vitesse ». Ce battement sera dorénavant qualifié d’horloge (indiquant toujours le même tempo ou approximativement).

Ensuite, nous allons intercaler plus ou moins d’activités entre chaque temps. Pour le professeur ces activités sont naturellement traduisibles en figures rythmiques (noires, croches, triolets de croches, double-croches), mais pour l’élève, cela doit être, au tout début, un exercice relativement libre, sans codage musical. Il doit avoir l’impression de « jouer avec le temps ».

Nous allons devoir préparer cet exercice grâce à un schéma écrit dans une forme accessible à l’élève : des chiffres.

But : aider la création de la représentation abstraite en la préparant par une représentation visuelle donc concrète.

Voici ce schéma :

 

 

Mettre en route l’horloge, (pulsation main gauche) en lisant à haute voix cette codification provisoire. Puis, l’élève ayant compris l’exercice, on lui demandera tout en conservant la pulsation, d’exécuter avec sa main droite ce qu’il lit à haute voix.

L’exemple est donné sur une mesure à quatre temps, mais il peut être pratiqué à deux ou trois temps, en variant l’ordre des valeurs rythmiques : partir des doubles-croches pour revenir aux noires ou plus divertissant, les présenter dans un ordre aléatoire. Je rappelle qu’il ne s’agit aucunement de battre la mesure, ce qui serait trop abstrait pour l’élève, mais de lui faire prendre conscience de sa propre pulsation.

L’essentiel est de veiller à la régularité de l’horloge, tout en ayant une activité bien répartie entre chaque temps. L’élève fait très vite la distinction entre le temps, inexorable, et le rythme. C’est le rythme qui doit se cadrer dans le temps, vouloir modifier le temps pour y ajuster son activité est une hérésie : c’est ce que l’on appelle, sans autre forme d’analyse, des « problèmes de rythme ».